Sourires

Une petite Asiatique en imper léopard rose, perchée sur les genoux de sa maman, tient une fleur jaune à la main. Son voisin de strapontin, un immense Noir en jean’s et Converses lui fait de petits signes amicaux de la main. Elle, timide, le regarde à la dérobée. Minaude et finit par lui offrir un grand sourire édenté.

Cendrillon

Elle, grande, pantalon et t-shirt noir, descend. Il la bouscule en montant. Déséquilibrée, elle l’agrippe, perd sa chaussure. Un escarpin de daim bleu. Il le ramasse et le lui tend, juste avant que les portes se referment. Elle reste sur le quai, la chaussure à la main.

L’actionnaire

“C’est indispensable, Jean-Baptiste !”, vocifère un type chauve en costume sombre dans son téléphone portable. Des têtes se tournent, amusées ou exaspérées. “C’est moi l’actionnaire”, poursuit-il d’une voix de stentor.
“Hé, l’actionnaire ! Moins fort !” l’apostrophe une dame.

L’ecchymose

Son visage sérieux est penché sur un livre de poche. Il porte un pantalon beige foncé, une chemise bleue, une longue veste noire. Des doigts élégants, une fine alliance, l’index posé sur la lèvre. Ses cheveux argentés, coiffés en avant forment de douces vaguelettes. Il a sous l’oeil droit un cocard, qui lui dessine une demie-lune violette.

La crise

8h45, ligne 4. Deux femmes papotent. L’une est une grande métisse emmitouflée dans un vaste manteau noir et une écharpe froufroutante. L’autre, plus petite, a un visage chafouin, une doudoune à la fourrure synthétique élimée. Elles parlent de leur emploi respectif. Se plaignent beaucoup. A Odéon, la grande se lève. Pousse autant de soupirs que si on la conduisait à l’échafaud. “Comme dirait l’autre, tant qu’on a un travail !” se console-t-elle.
“Bon courage !” l’exhorte son amie.

80’s

L’homme est debout, adossé à la porte. Il porte un costume bleu sombre bon marché, une chemise bleu ciel, une oreillette. La tête baissée sur ses mains, il manipule avec dextérité un Rubik’s cube. Il relève parfois la tête. Ses mains continuent seules à faire tourner les faces colorées à toute allure. Sans un à coup, avec la douceur des mécanismes huilés d’avoir été beaucoup manipulés.

Alice

Sur le quai surchauffé de la station Gare de l’Est au mois d’août. Touffeur accablante, foule dépenaillée, peaux moites. Comme une apparition, elle passe. Fraîche et droite dans sa robe noire, serrée à la taille par une ceinture avec un noeud dans le dos. Impeccable dans son chemisier blanc à col claudine, ses collants blancs immaculés. Un petit chapeau rond est posé sur ses cheveux noirs, coupés au carré. D’un pas vif, elle fait claquer les talons de ses mocassins à boucle.

Le fou

“J’veux pas parler avec vous, c’est clair ?” L’homme est ramassé sur un strapontin, les bras croisés, l’air farouche. Il porte un pantalon bleu foncé sale, une veste de treilli, des chaussettes distendues. Brutalement il se lève, va s’assoir sur le strapontin d’en face. Saint Germain, une femme monte et s’assied à côté de lui. “Qu’est ce t’as, avec ta grande enveloppe, toi ?”. Furieux, il descend avec une brusquerie qui fait sursauter la dame.

Le baiser

Ils s’enlacent, s’étreignent, se picorent, s’embrassent goulûment. Debout sur le quai du métro Porte de Versailles, ils se caressent les avant-bras, se regardent, se sourient. Elle, cheveux tressés et paupières peintes en vert. Lui, t-shirt orange et jeans, sourcils grisonnants. Ils montent dans le métro, se calent contre une porte et reprennent leur bouche à bouche interrompu.